Textes pour le confinement

Quatre poèmes de Ryokan, moine zen japonais du 18ème siècle

Publié le mercredi 29 avril 2020 par Hélène Eiren Rigodanzo

je ferme les yeux, mille montagnes au crépuscule

je me vide des dix mille pensées du monde des hommes

seul, assis sur un coussin en jonc,

silencieux face à la fenêtre vide

l’encens brûle dans la longue nuit noire

sur ma robe mince, la rosée blanche, dense

quand j’ai fini de méditer je vais marcher dans la cour

la lune monte sur le plus haut pic

j’habite dans une forêt profonde

d’année en année poussent les lianes vertes

en outre nulle affaire des hommes ne vient me harceler

de temps à autre j’entends un bûcheron chanter

au soleil je rapièce ma robe de moine

sous la lune je lis des poèmes

j’aimerais dire aux hommes de ce monde,

pour être à l’aise on n’a pas besoin de beaucoup

nuit calme, sous la fenêtre vide

assis en méditation, enveloppé dans ma robe de moine

nombril et narines bien alignés

oreilles et épaules dans le même axe

la fenêtre est blanche, la lune vient de sortir

la pluie a cessé, des gouttes tombent encore

à ce moment-là mon sentiment est extraordinaire

vaste, immense, connu de moi seul

solitude, déjà la fin du printemps

silence, la porte toujours fermée

lierres et bambous jaillissent vers le ciel, ils font de l’ombre

dix mille herbes enchevêtrées engloutissent le perron

mon sac et mon bol restent tout le temps accrochés au mur

dans le brûle-encens aucune fumée

sans contrainte, dans un domaine au-delà du monde vulgaire

toute la nuit le coucou crie